[Nuit] Avertissement

La nuit était tombée brutalement... Elle avait dévoré en un éclair les rayons du soleil et avait étendu aussitôt son long manteau noir sur le silence ensommeillé de la ville. Dans les rues pavées, la silhouette du Directeur Cross traversait rapidement les allées étroites et obscures, sans se retourner ne serait-ce qu'une seule fois pour vérifier si Akio arrivait à suivre son rythme ou non. Puis soudain, il s'arrêta d'un coup et leva les yeux. Il était devant l'hôpital de la ville... Dans les lueurs de la nuit, le bâtiment semblait totalement différent. Son ombre immense et oppressante semblait dominer les lieux comme une ombre froide et malveillante.

"C'est là.", dit-il simplement.

Il poussa les portes vitrées à double battants et entra dans le hall d'accueil aseptisé. Une lumière jaunâtre baignait les lieux.

"Monsieur, les visites sont term...", commença une infirmière.

Puis son regard s'éclaira et se rembrunit, son expression passant vivement de la courtoisie froide à la joie chaleureuse pour finir sur une peine profonde.

"Mr Cross... Je... Je ne suis pas sûr que...".

Le Directeur se rapprocha et lui posa une main réconfortante sur l'épaule.

"Tout va bien... Guidez nous à elle s'il vous plaît.".

La jeune femme hésita un instant puis acquiesça.

"Très bien, suivez moi.".

Le soir était tombé très rapidement. Et pourtant, Akio s'était senti soulagé lorsque les rayons du soleil avait commencé à disparaître, étendant sur la ville un voile sombre. On n'entrevoyait que quelques étoiles ce soir là, mais rien qui n'éclaire vraiment la noirceur de la nuit. Même la lune semblait s'être cachée. Et pourtant, le nouvel élève semblait s'y déplacer avec aise, suivant sans problème le directeur qui filait à toute allure entre les allées étroites et les sombres ruelles, dans une direction que le jeune homme aux cheveux blond ignorait. Il savait simplement qu'il devait suivre M. Cross, bien qu'il soit quelque peu nerveux, sans le laisser paraître. Cet homme semblait savoir ce qui lui arrivait. La particularité qu'il avait depuis ses 6 ans. Sa...différence, qui le rattachait à un monde qui n'était pas le sien.

Soudainement, les deux personnes s'arrêtèrent, plongés dans un silence pesant. Presque tout le monde avait regagner leur demeure, il n'y avait aucun bruit, mais l'imposante bâtisse devant laquelle ils se tenaient était d'autant plus opressante. C'était l'hôpital de la ville, qui avait l'air bien plus lugubre en ce temps-ci de la nuit.

"C'est là."

Akio ne dit rien, gardant un air impassible malgré qu'il ne soit pas du tout sûr de ce qu'il faisait. Plus il y pensait, plus il regrettait d'avoir seulement penser à venir ici, même si c'était pour ça. Ce dont il avait toujours rêver depuis que ça avait commencé. C'était un comportement humain après tout. Humain...un mot qui prenait beaucoup trop de signification par rapport à ce qu'il devrait.

Sans attendre, Kaïen poussa les deux portes vitrées et entra dans le hall exagérément propre. Comment s'attendre à moins d'un hôpital? La lumière jaunâtre éclaira le visage d'une infirmière, dont le regard s'éclaira avant de se rembrunir et dont l'air exprima à la suite trois émotions complètement opposées.

"Monsieur, les visites sont term..."

Elle se tut en voyant le directeur, puis reprit:

"Mr Cross... Je... Je ne suis pas sûr que...".

Le Mr Cross en question s'approcha et posa une main réconfortante sur l'épaule de la jeune femme qui semblait étonnament triste.

"Tout va bien... Guidez nous à elle s'il vous plaît.".

Elle? Qui était-ce, elle? Intrigué, le nouvel élève de la Day Class ne dit pourtant rien, écoutant plutôt l'infirmière répondre, après un instant d'hésitation:

"Très bien, suivez moi.".

Ils grimpèrent au deuxième étage, où les lumières étaient tamisées, probablement pour laisser les patients dormir. Silencieusement, ils approchèrent d'une porte entrouverte qui permettait de voir les rayons des lumières de la salle encore éclairée. Finalement, Akio demanda:

-Qui est-ce au jus...

Entrant dans la salle à la suite des deux autres, il se tut en voyant qui se trouvait dans la salle.

Dans la chambre, une jeune femme était allongée sur un lit, reliée un respirateur artificiel. Kaïen remercia l'infirmière, qui repartit dans le couloir, et entra silencieusement dans la chambre, le bruit de ses pas soudainement aussi insonores que ceux d'un vampire.

"Cette jeune femme se nomme Lise... Elle est dans le coma depuis plusieurs mois maintenant et ne survit que grâce au respirateur artificiel. Selon les médecins, elle ne se réveillera jamais...".

Il se tourna vers l'adolescent.

"Laisse-moi te raconter une histoire, Akio...", murmura t-il.

Le Directeur Cross s'avança lentement vers le lit, les lumières de la ville et l'obscurité de la pièce s'affrontant sur son visage.

"Il était une fois, une adolescente qui rencontra un garçon étrange, il y a quelques années de cela... Et il lui laissa, par accident, un cadeau spécial.".

D'une main douce et précise, il écarta le col de la jeune femme, dévoilant une marque en forme de croissant de lune.

"Ce n'était qu'une rencontre imprévue, un accident dans leur vie qui ne devait pas avoir de lendemain... Mais les effets de la marque les ont bizarrement rapproché. Bientôt, avant même qu'ils le remarquent, ils ne pouvaient plus se passer l'un de l'autre.".

Après un bref silence, il continua :

"Seulement, ce garçon n'était pas un garçon normal, même parmi ses pairs. Et posséder quelqu'un qui était capable de voir ce qu'il pensait, de sentir ses émotions, de connaître toutes ses réactions... posséder quelqu'un capable de le traquer et de le trouver n'importe quand, en somme... avait un immense intérêt pour une certaine organisation secrête.".

Il esquissa un léger sourire.

"Tu devines qui ?".

Son sourire s'accentua encore :

"La Hunter Association, évidemment.".

Il se tourna vers la fenêtre et regarda la cité endormie. Non loin, on pouvait voir un immense bâtiment qui semblait dominer l'obscurité.

"Ils se sont servis d'elle.".

Puis, d'une voix plus triste :

"Et maintenant, Akio, dis-moi, devines-tu la fin de l'histoire ?".

Dans la salle résonnait le bruit du souffle faible de la jeune femme passant l'aspirateur artificiel. La pauvre était allongée dans un lit immaculée, les yeux fermés, semblant dormir d'un sommeil profond. L'infirmière repartit, alors que Kaïen avançait silencieusement dans la pièce, ses pas ne résonnant même pas sur les dalles de marbre. Mal à l'aise, Akio fixa la femme hôspitalisée, devinant aisément qu'il avait raison d'appréhender la suite. Le directeur l'avait amené ici pour une bonne raison, car il savait le secret du nouvel élève. Et le jeune homme aux cheveux blond commençait à avoir lui-même une petite idée de ce qui était arrivée à la jeune femme.

"Cette jeune femme se nomme Lise... Elle est dans le coma depuis plusieurs mois maintenant et ne survit que grâce au respirateur artificiel. Selon les médecins, elle ne se réveillera jamais...".

Mr Cross se retourna, et Akio le fixa en silence, devinant pourtant en quoi ceci le concernait.

"Laisse-moi te raconter une histoire, Akio..."

Sa voix n'était plus qu'un murmure, un souffle. Kaïen s'avança silencieusement vers la pauvre femme, son visage à l'air indéchiffrable était à moitié plongé dans l'ombre. Le marqué resta immobile, ses yeux suivant d'un air sombre le directeur de l'académie qui lui faisait dos.

"Il était une fois, une adolescente qui rencontra un garçon étrange, il y a quelques années de cela... Et il lui laissa, par accident, un cadeau spécial.".

Cette phrase décrivait fidèlement la scène qu'il ne cessait de revoir dans sa tête, à l'exception près qu'il avait lui rencontré une fille étrange, alors qu'ils étaient tout deux gamins. Mais le résultat avait été le même. Par réflexe, la main de Akio monta en direction de son cou, mais il l'arrêta à mi-chemin, se rendant compte de l'idiotie de son geste, pour laisser son bras retomber mollement. Il inspira profondément mais silencieusement, écoutant avec attention la suite. Son coeur rata un battement lorsque Mr Cross s'approcha pour écarter le col de la jeune femme, découvrant la marque en forme de croissant de lune. La marque. Sa marque aussi, par la même occasion. Une malédiction qui l'avait lié à vie à une vampire, dont il partageait maintenant tout les souvenirs, les sentiments, les sensations et même plus. C'était une liaison encore plus étroite qu'un jumeau. Apparemment, pour la femme allongée dans le lit, les choses s'étaient mal terminées.

"Ce n'était qu'une rencontre imprévue, un accident dans leur vie qui ne devait pas avoir de lendemain... Mais les effets de la marque les ont bizarrement rapproché. Bientôt, avant même qu'ils le remarquent, ils ne pouvaient plus se passer l'un de l'autre.".

Exactement ce qui lui arrivait. Tout d'abord, la curiosité, qui poussait des humains à bien des choses idiotes et irréfléchies. Et puis, une certaine attirance envers cette personne dont on sait tout et qui sait tout sur nous. Quoi de plus humain...ou vampire?

"Seulement, ce garçon n'était pas un garçon normal, même parmi ses pairs. Et posséder quelqu'un qui était capable de voir ce qu'il pensait, de sentir ses émotions, de connaître toutes ses réactions... posséder quelqu'un capable de le traquer et de le trouver n'importe quand, en somme... avait un immense intérêt pour une certaine organisation secrête.".

Sans même qu'il s'en rende compte, il avait serré le point, et la mâchoire aussi. Il savait ce qui allait venir. Ce qui était arrivé à cette jeune femme innocente, qui n'avait eu que le malheur de rencontrer quelqu'un de spécial...et que ça se sache par une organisation secrète apparemment prête à tout les sacrifices, peu importe de qui. Après un léger sourire, Kaïen demanda:

"Tu devines qui ?".

Akio n'eut pas besoin de répondre. Il avala rapidement, inspira pour se calmer, et attendit que le directeur réponde par lui-même.

"La Hunter Association, évidemment.".

Il sentit alors la haine sauvage de la jeune fille avec qui il partageait ce lien si particulié. Elle était en ce moment en cours, mais avait tout entendu. Bien qu'elle aie réussit à contenir sa rage jusqu'ici, elle avait démontré une grande colère envers l'association qui avait utilisé la jeune femme qui était innocente. La vampire qui l'avait marqué avait la particularité unique d'éprouver de la compassion pour n'importe quelle race, sans disctinction.

"Ils se sont servis d'elle.".

Kaïen, tourné vers la fenêtre d'où on voyait la ville endormie, venait de déclarer ce que Akio ne cessait de penser. Ce qu'il craignait aussi. Car il pourrait facilement finir comme la jeune fille. Cette pensée ne sembla pas plaire à la vampire qui assistait mentalement à cette rencontre. Le directeur demanda tristement:

"Et maintenant, Akio, dis-moi, devines-tu la fin de l'histoire ?".

Un silence pesa quelques instants dans la salle sombre. Le jeune homme aux cheveux blond. Imaginait sans peine la teneur de ce qui avait pu se passer, mais il déclara tout de même, appréhendant la suite tout en gardant un air impassible:

-...dites-moi la quand même.

Kaïen hocha négativement la tête.

"Ne te défile pas... Je ne te pose pas cette question par hasard.".

Les yeux de Kaïen brillèrent d'une lueur rouge sang.

"Donc, Akio, je te le demande une seconde fois... Qu'est-il arrivé à cette jeune fille ?".

Dans le silence lourd et oppressant, on n'entendait que la respiration lente et difficile de la jeune fille, allongée sur le lit d'hôpital.

Kaïen hocha secoua la tête.

"Ne te défile pas... Je ne te pose pas cette question par hasard.".

Le regard du directeur brilla d'une inquiétante lueur rouge sang dans la pénombre du soir, rendant Akio encore plus mal à l'aise. Vraiment, cet homme n'était pas normal, et même très étrange. Son comportement était complètement différent de ce qu'il avait démontré avec elle, et semblait cacher certaines choses...à moins que ce ne soit qu'une impression, mais cette dernière était très forte.

"Donc, Akio, je te le demande une seconde fois... Qu'est-il arrivé à cette jeune fille ?".

Serrant les dents, le jeune homme ferma un instant les yeux, soufflant par le nez. Il pouvait ressentir sa rage sauvage partout dans son corps, une rage qui ne lui ressemblait pas. Aussi de la méfiance, envers Kaïen, qu'elle n'était pas la seule à ressentir. Cet homme pouvait tout aussi bien l'avertir en ce moment et que le menacer. Et puis elle en voulait aussi beaucoup envers le marqué, pour s'être ainsi exposé en venant à cette académie.

Ignorant tous les sentiments qui l'assaillaient sans relâche, Akio ouvrit les yeux et répondit sincèrement:

-Je ne peux dire exactement comment. Mais je crois qu'il n'y a pas grand possibilité; soit c'est la Hunter Association qui la rendu dans cet état en voulant exploiter son lien sans se soucier d'elle, soit ce sont les vampires qui ont reconnu la menace et qui ont éliminé elle ou le vampire avec qui elle était liée, soit...c'est le vampire lui-même qui a du trouver un moyen d'éliminer la menace, que ce soit lui-même qui ait décidé cela ou ses pairs.

Bien qu'il ne puisse exprimer clairement sa pensée, trop conscient du fait qu'il serait aisé que tout cela lui arrive, il avait exprimer son point de vue d'une manière plus ou moins précise. La dernière supposition était la plus difficile; pour un vampire ou un humain si lié, se voir trahir ainsi devait être une grande douleur. Car l'une des plus grandes douleurs étaient sûrement de se faire rejeter par les êtres auxquels on tient.

Le Directeur Cross esquissa un sourire sans joie.

"Même si tu essayes de ton mieux d'avoir un avis objectif et lucide, tu es encore bien naïf.".

Il observa un instant l'adolescent puis se tourna vers la fenêtre.

"La Hunter Association n'est pas composée d'amateurs ou de débutants... Ils savent ce qu'ils font. Jamais ils ne l'auraient mis dans cet état par accident alors qu'elle leur est bien plus utile saine et en forme.".

Il haussa les épaules.

"Pour ce qui est des vampires... Les codes de conduite sont relativement précis. Un humain marqué est considéré comme le jouet du vampire qui l'a touché. S'attaquer à lui revient à s'attaquer à son maître... Aucun Royal Blood n'aurait fait ça à un de leur pair, ils se seraient simplement contenter de le bannir jusqu'à la mort naturelle de cette humaine.".

Dehors, une voiture de police traversa rapidement la rue.

"Le vampire qui aurait placé lui-même sa proie dans le coma... C'est logique, effectivement. Les vampires sont froids, cruels, et ne se soucie que d'eux-même et de leur propre plaisir. S'ils font attention à toi, c'est uniquement parce que tu leur sers, d'une manière ou d'une autre...".

Une nouvelle fois, son ton devint subitement plus dur.

"Mais décidément, Akio, tu es vraiment bien naïf.".

Il se retourna vers lui.

"La réponse est pourtant devant tes yeux depuis le début. Pourquoi es-tu venu à l'Académie ? Pourquoi cherches-tu tant à la voir ? Pourquoi, alors que tu sais parfaitement que c'est stupide et dangereux ? ".

Il y eut un bref silence, puis il lâcha :

"Parce que tu l'as fait déjà passer avant ta propre vie.".

Un rire amer éclata dans la pièce tandis qu'il désignait la jeune fille de la main :

"Son vampire n'a pas eu besoin de se salir les mains... Dès qu'elle a compris que l'Association l'utilisait, elle a fait le boulot elle-même.".

Le directeur regarda les deux adolescents tour à tour.

"Vous vous ressemblez beaucoup tout les deux... Ta venue à l'Académie est un sacrifice et un suicide identique au sien, tu ne le sais simplement pas encore.".

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